D’abord,
nous tenons à remercier sincèrement et de garder toujours une profonde
et reconnaissante gratitude envers nos parents qui ont bien fait de choisir de prendre une
décision aussi bien aventureuse que douteuse, d’avoir signé un contrat de 5 ans
pour venir travailler dans un pays si lointain et totalement inconnu du 20ème
siècle, qui furent les anciennes Nouvelles-Hébrides. Nos parents, originaires
des régions pauvres et surpeuplées dans le delta du Tonkin (Nord Viet Nam),
majorités ce sont les paysans des provinces de Nam dinh, Thai binh, Ninh binh,
Hai duong, Ha nam, Hung yên, Kiên an etc… Des régions basses toujours menacées
et envahies par les redoutables crues et inondations meurtrières, d’où sévisse
l'interminable famine. Ce fût donc la raison dont nos parents ont été obligés de
choisir leur propre issue.
10/8/1920. Le cargo "Roberto Figueras" débarquant des premiers travailleurs indochinois à Port Vila.
D’autre
part, nous sommes très heureux d’apprendre que le service des relations
culturelles de l’Ambassade de France du Vanuatu avait la bonne intention d’organiser
une « Expo Vietnam » en 2020 à Port Vila, marquant l’évènement du Centenaire de
la présence des premiers ouvriers vietnamiens dits coolies tonkinois engagés
sous-contrat de 5 ans de travail aux anciennes Nouvelles-Hébrides du 20ème siècle.
Ce dont, nous tenons à exprimer nos
sincères remerciements.
Les
vicissitudes de l’histoire de la « diaspora » des engagés vietnamiens
au pays de l'Eldorado ont eu un rapport et un lien étroit avec la
colonisation française des Nouvelles
Hébrides. D'après le rapport de l'Inspecteur des Colonies, on a pû
enregistrer de nombreux incidents dans certaines plantations. Notammant
le non-respect des clauses du contrat, les brutalités et atrocités des
colons, les tâches pénibles, la nouriture insuffisante, les maladies
sans médicaments etc... Tout cela fait partie de l'histoire. Que notre vénérable DONG Sy Hua a écrit dans son
fameux livre
intitulé: De la Melanesie au Viet Nam où l’itinéraire
d’un colonisé devenu francophile:
« À
mes amies et amis français de tous âges, de toutes conditions, de tous bords,
anciens et nouveaux, connus et inconnus, qui m’ont aidé à découvrir les vrais
français et la France de toujours, à me décoloniser, et à me débarrasser de la haine
qui me rongeait depuis près d’un demi- siècle ».
Selon
Madame Frédérique TAILHADE, auteur de la fameuse thèse intitulée « La
Colonisation des Nouvelles Hébrides et les indochinois», certains anciens
colons de renom, ont reconnu que « les
Nouvelles-Hébrides ont été faites par les Viêt ».
Effectivement,
d’après certaines sources officielles et suivant le rapport de
l'Inspecteur des Colonies, le nombre de ces travailleurs engagés
d’origine
du Tonkin (Nord Viet Nam) de 1920 à 1940, atteignait 35.379 personnes
venant et
partant avec une durée de contrat de travail de 5 ans. Or, il est aussi
important de souligner sur le fait que la présence des vietnamiens aux
Nouvelles-Hébrides en général fût enregistrée à une date antérieure. Ce
dont
quelques faits ci-dessous pouvaient les attester :
Ancien tribunal mixte du Condominium de Port Vila Nouvelles-Hebrides
Audience
correctionnelle du 1er Septembre 1913 au Tribunal mixte à Port Vila :
…"Attendu
que par exploit daté du premier septembre 1913 N’Guyen Van Hoi a été
cité à l’accusation d’avoir vendu de bon matin, le quatorze août 1913 à un
indigène de Santo (Nouvelles-Hébrides) nommé Sam ou Frond, demeurant à
Port-Vila, un demi litre de rhum pour la somme de deux shillings ;
Attendu
que un procès-Verbal du Commandant de milice française en date du quinze août
1913, et de 1'aveu du contrevenant, il résulte que le quatorze août 1913, à
Port-Vila (Nouvelles Hébrides) le nommé N'Guyen Van Hoi a vendu à l’indigène
Sam ou Frond de Santo. (Nouvelles Hébrides) une demi bouteille de rhum, pour la
somme de deux francs et cinquante centimes;"
…"Attendu
que le Contrevenant est en état de récidive légale pour avoir été condamné le vingt et un avril 1911 pour la
même contravention ; qu’il y a lieu d’en tenir compte dans l’application de la
peine ; Par ces motifs : Condamne N’Guyen Van Hoi à cinquante francs d’amende à
trois jours de prison et en tous frais et dépens.
."Affaire
No219 Audience correctionnelle du 9 septembre 1913.
Beaucoup d’autres audiences se
sont poursuivies dans les années 1913 jusqu’en 1919. En générale, pour le même
sujet : vente d’alcool aux indigènes.
…"Attendu
que par un exploit date du vingt quatre septembre mil neuf cent treize, N'
Guyen. Van Thing a été cite a comparaitre devant ce Tribunal pour répondre a
1'accusation d'avoir
Vendu le lundi vingt deux septembre mil neuf cent treize, a environ dix heures
et demie du matin dans une salle de débit nommée "Bar du
Condominium", a Port-Vila, ile de Vaté, Nouvelles Hébrides, aux indigènes
: Daniel Tenene de Maré, iles Loyautés, Nouvelle Calédonie, Toten et Kalman
d'Erakor, ile Vaté, trois verres d'absinthe, pour un poisson, ce qui constitue
une infraction a 1'article 59 de la Convention du 20 octobre 1906 et a l'arrêté
conjoint du 14 janvier 1911;"
"Attendu
que de l'aveu même du contrevenant et des débats il résulte que N'Guyen Van
Thing dit Bah, a le vingt deux septembre mil neuf cent treize, à Port-Vila
(Nouvelles-Hébrides ) vendu de l'absinthe aux indigènes Daniel, Toten et
Kalman;"
"Par
ces motifs :
Le
Tribunal condamne N’Guyen Van Thing dit Bah a 25 (vingt cinq) francs d’amende
et en tous frais et dépens."
Affaire
No
224 Audience correctionnelle du trois octobre 1913
"Attendu
que par un exploit en date du vingt six septembre mil neuf cent treize, Phan
Van Bir a été cité à comparaitre devant ce Tribunal pour répondre à l’accusation
d’avoir vendu, le samedi vingt septembre mil neuf cent treize, vers midi, dans
sa maison, située près de celle de Monsieur Lepeltier à Port-Vila, à l’indigène
Louis d’Aoba, Nouvelles-Hébrides, deux verres de vin pour la somme de dix pence
(environ un franc) ce qui constitue une infraction à l’article 59 de la
Convention du 20 octobre 1906,
Attendu
que de l’aveu même du contrevenant et des débats il résulte que Phan Van Bir a
le vingt septembre mil neuf cent treize, à Port-Vila, (Nouvelles-Hébrides) vendu
deux verres de vin à l’indigène Louis d’Aoba (Nouvelles-Hébrides) ;" …
"Par
ces motifs :
Le
Tribunal condamne Phan Van Bir à vingt cinq francs d’amende et en tous frais et
dépens."
"Attendu
que d'un procès-verbal dressé, à la date du 21 Juillet 1916, par M. Boibelet,
gendarme, adjoint au Commandant de la Section française de la Milice, des
débats et aussi des aveux du contrevenant, il résulte la preuve que celui-ci,
Ha Van Gioi, a, le 14 Juillet 1916, en son habitation sise près du Lagon, île
Vaté, vendu des boissons alcooliques aux indigènes Poui, de Santo et Tommy,
d'Aoba;" "Par ces motifs,
Déclare
HA VAN GIOI atteint et convaincu de l'infraction c--dessus spécifiée; Et lui
faisant application des textes dont lecture a été donnée à l'audience. Le
condamne à quinze jours d'emprisonnement et à cinquante francs d'amende et aux
frais."
AFFAIRE
No. 299
AUDIENCE
DE SIMPLE POLICE DU MARDI 1er AOUT 1916
Attendu
que d'un procès-verbal dressé le 31 Août dernier par M. DELIGNY, Commissaire de
police français, et aussi des aveux du prévenu, il résulte la preuve que ce
dernier a, le 11 Août 1917, vendu des boissons alcooliques et notamment du rhum
aux indigènes BANKOR et LENKOU d'Ambrym, engagés de la P.I.I.C à Mélé,"
"PAR
CES MOTIFS:
Déclare
le prévenu N'GUYEN VAN DAO atteint et convaincu de l'infraction ci-dessus
spécifiée,Et lui faisant application des articles 59 et 61 dont lecture a été
donné à l'audience. Le condamne à quinze jours de prison et a une amende de
cinquante francs et aux frais."
AFFAIRE 355
AUDIENCE
DE SIMPLE POLICE DU VENDREDI 14 SEPTEMBRE 1917
Alors,
qui sont-ils ? Selon certaines sources, parmi
eux se trouvent les déportés politiques du pénitencier de Poulo-Condor
(Sud Viet Nam) exilés en Nouvelle Calédonie
depuis 1891. En 1900, certains d’entre eux ont été transférés à Port
Vila et à Santo Nouvelles-Hébrides, faisant le travail de corvée dans
les établissements
des autorités françaises locales. Ceux, obtenus les bonnes notes de
conduite ont été envoyés travailler dans les plantations. Certains ont
un
niveau intellectuel, parlant couramment le français. Ils ont été nommés
au
poste de contremaitre, voire même secrétaire aidant les patrons
planteurs à
gérer la comptabilité et le travail de gestion de la plantation.
Le 10 Aout 1920. Les premiers travailleurs engagés vietnamiens ont mis les pieds sur le sol hébridais par l'embarcadère du Cercle Civil de Port Vila. (Photo internet)
10/8/1920. 145 premiers travailleurs engagés
vietnamiens dits tonkinois sont arrivés
à Port Vila Nouvelles Hébrides/Vanuatu par le cargo
Roberto Figueras.
10/8/1920. 145 fes vietnamis woka kolem tonkiniz
anda kontrakt oli kam
long Port Vila New Hebrides/Vanuatu wetem kargo
ship Roberto Figueras.
LES RECRUTÉS SOUS-CONTRAT
Les premiers travailleurs engagés venus aux
Nouvelles-Hebrides ont été placés sous quarantaine sanitaire pendant 10 jours
au dépôt central de Port Vila qui se trouve au bas flanc de la côte, juste à
côté de l’hôpital indigène (actuel building Pompidou). À partir de là, les
engagés perdent leur vrais noms et ont reçu chacun une sorte de badge
d’immatricule correspondant au numéro inscrit sur leur contrat d’engagement.
Soi-disant, que les noms vietnamiens sont trop compliqués à prononcer avec
leurs accents.
1920. Hôpital indigèneà Port Vila Nouvelles Hébrides (Actuel Pompidou)
Après
la quarantaine, le nombre des travailleurs plus ou moins nombreux, ont été
distribués aux colons suivant la grandeur de leurs plantations. Les plus
heureux ont eu la chance d’être répartis dans les propriétés tout près de la
ville de Port Vila comme plantations de la famille Colardeau, Amiot, Des
Granges, LG Frouin Mele, Russet, Bladinieres, de Preville etc… Plus loin :
Mitride, Hannequin, Jocteur, Stuart, Ohlen, Belloc, Allegre,Teuma etc… Les
moins heureux se trouvent envoyer dans les iles : Santo, Mallicolo, Epi
etc…
1923.
Sur la photo dessus et dessous, le dépôt central ou centre de quarantaine servant à l’inspection
d’hygiène
pour recevoir les engagés venus d’Indochine et répartis dans les plantations
des Iles.
Dépôt o kamp. Ples we oli risivim ol woka i kam long Indochina. Oli mas pasem wan inspeksen
blo helt blo luksave se ol niufala man i no kat sik, bifo sendem olgeta i ko wok
long ol aelan.
TABLEAU. - Rythme d’arrivée des
travailleurs vietnamiens, 1921-1940 : (Rapport de l’Inspecteur des
colonies)
Années : 1921 1922 1923 1924 1925 1926
1927 1928 1929 1930 1931 1936 1937 1939 Total
Arrivées : 145 102
437 1156 1623 2888 4293 4862
5315 5413 3372 2040 1630 2130 35379
Copie d'un exemplaire du contrat de travail pour les recrutes d'Indochine
Dès lors et tandis que
la période de la production massive succédait à celle de la création, le débit
du recrutement local ne pouvait plus pourvoir aux besoins multipliés,
intensifiés, élargis. Les statistiques que, peu après ma prise de fonctions,
j'ai fait établir, en avril 1925, faisaient ressortir qu'à cette époque — ainsi
que l'a indiqué M. Delamarre, dans son rapport d'ensemble —, les cultures
faites par les Français couvraient 15.189 hectares. Leur superficie a été
augmentée, depuis, d'environ 2.500 ha. De nouveaux colons, presque tous anciens
combattants de la Grande Guerre — (20 sur 23) —, ont été installés sur des
concessions accordées par le haut-commissariat. Avec de nombreuses et
puissantes sociétés créées depuis fin 1924, de vastes défrichements sont en
cours.
LE RECRUTEMENT
Ils étaient recrutés avec la modique somme
de cent vingt piastres, soit 1 200 francs à l’époque, pour une durée de cinq
ans, […], à des conditions apparemment très acceptables pour des affamés, des
miséreux (comme ce fut mon cas) : 80 francs de salaire par mois pour les
hommes et soixante pour les femmes (nous ne nous doutions pas que les prix
étaient au moins dix fois plus élevés aux Nouvelles-Hébrides que dans notre
pays) ; 500 grammes de riz par jour, 250 grammes de pain, 250 grammes de
viande, et puis des légumes verts ou secs, de la graisse, du sucre, du
thé ; deux vêtements par an ; couverture et moustiquaire au départ et
au milieu du séjour ; logement décent ; soins médicaux gratuits pour
le travailleur et pour ces enfants. Si les clauses du contrat étaient
correctement appliquées, c’était le paradis, y a pas à dire ! ».
« Pour recruter des coolies, c’est pas
compliqué. On les embobine avec rien les Niaqhé. De beslles photos de
plantations où on voit les villas des assistants, les automobiles, les jardins.
Des coolies bien habillés aussi, photo prise bien sûr le jour de la
distribution des vêtements. Ah, j’oubliais le plus important une photo de la
paye avec une table pleine d’argent. Ça leur fait de l’effet. Ensuite, tu
enchaînes avec le salaire : 0,40 piastres par jour, tu parles si c’est le
Pérou pour eux qui sont habitués à toucher 15 sous. Bien sûr tu oublies de leur
dire que la vie sur la plantation est très chère. […] Et là, si tu sens quelque
réticence, tu abats ton atout maître. Le coolie perçoit une avance de dix
piastres. Tu leur montres la monnaie et ils signent sans réfléchir, ces
bêtes-là. Les engagés Tonkinois sont recrutés dans leur village, par voie
de presse accessible à ceux qui savent lire, et par la venue de
« représentants » vietnamiens, ou caï, au service d’un
recruteur.
(Extrait de l'Echo economique de l'Indochine)
1920-1964.
Parmi les recrutés vietnamiens au nombre de 35.379, il faut déduire les morts, les disparus
qui s’élèvent à plus de 1.200 personnes qui se trouvent enterrées dans divers
cimetières de Santo de Port Olry jusqu’à Malo, Port Vila et ses environs, Mallicolo
de Norsup jusqu’à Lamap, Epi etc…
1930. Les travailleurs engagés vietnamiens travaillant dur dans
les plantations. Sur la photo on voit
les hommes et femmes transportant et déplaçant à dos le tronc lourd de cocotier
entier.
1930. Long Niu Hebridis bifo, ol vietnamis woka oli stap karem ol hevi
stamba blo kokonat tri wetem hand nomo. Taem ia i no kat ol masin blo pikimap
ol hevi samting olsem naoia
1928.
Image d’une famille de planteur français à l’Ile Vaté Nouvelles – Hébrides
entourée
de ses ouvriers engagés, dont les travailleurs engagés vietnamiens et
mélanésiens.
1928. Photo i soem wan family blo franis planta
wetem ol woka blo hem long Efate aelan
Niu Hebridis. Inkludim ol vietnamis woka mo ol Melanesian woka anda kontrakt.
1938. Rassemblement des
travailleurs engagés vietnamiens dans une plantation
Aux Nouvelles-Hébrides lors du passage de l’Inspecteur du Travail des Colonies.
Photo tekem long 1938. Ol
vietnamis woka oli hipim long wan plantesen, taem I kat wan
Bigman blo Gavman blo Koloni i kam blo jekem ol kondisen blo wok I gut o no
gut.
1944.
Image des enfants d’engagés vietnamiens sous-contrat nés à Santo aux Nouvelles
Hebrides. Photo prise dans une plantation par un soldat de la US Navy.
1944.
Photo
ia i soem ol pikinini blo ol vietnamis woka anda kontrak long Santo Niu
Hebridis.
Wan soldia blo Amerikan US Navy hemi tekem photo ia long wan plantesen.
1930.
Les photos démontrant le travail des travailleurs engagés vietnamiens dits
tonkinois dans les plantations aux Nouvelles-Hébrides.
1930. Ol photo ia i soem ol vietnamiz woka
oli stap wok long ol plantesen long Niu Hebrides bifo.
REVENDICATIONS DES DROITS DU CONTRAT DE TRAVAIL
Dans une majorité de cantonnements, les
Tonkinois ne reçoivent pas leurs maigres rations régulièrement. S’ils les
obtiennent, la qualité des produits se rapproche soit de la putréfaction, soit
de l’escroquerie. Les rapports d’inspections des années 1930, et ceux repris
partiellement par M. Dong Sy Hua, décrivent une situation similaire au cours de
la seconde Guerre Mondiale. Les difficultés d’approvisionnement engendrées par
les perturbations du trafic maritime sur le front Pacifique, ont conduit à des
restrictions alimentaires qui affectent tout le monde et plus cruellement les travailleurs engagés. Au cours des grèves de
1945, manger à sa faim est une des principales revendications bien
qu’elle passe après le désir de rapatriement. Au cours de cette période,
l’augmentation des rations alimentaires proposées par les autorités
métropolitaines, sont un argument pour calmer les revendication sociale des annamites, mais elles ne sont pas mises en pratique
localement. Le contrôle de la nourriture constitue un moyen d’avilir les
engagés tonkinois : les décisions arbitraires de diminuer les rations
alimentaires sont courantes. Les rendements exigés n’induisent pas de
suppléments alimentaires mais les rendements non atteints sont sanctionnés par
une diminution des rations. L’interdiction de vendre des produits de première
nécessité aux employés « difficiles » est une autre forme de
sanction. Comme lors des grèves entre 1945 et 1946, les stores des mines de Voh
se refusent à fournir du riz aux travailleurs indochinois grévistes.
Les engagés Tonkinois ont régulièrement
revendiqué contre les manquements aux contrats et dénoncent l’attitude de
certains colons ou contremaitres à leur égard. Les journaux et les autorités
coloniales calédoniennes font peu de cas de ces mouvements plus ou moins
violents et organisés, sauf pour informer de meurtres, de vols de la part des
engagés. Sur les plantations et les sites miniers isolés, les premières
revendications individuelles ou en petits comités n’apportent aucune
amélioration et sont vites réprimées. (Extrait du journal "Les Annales coloniales")
Bien que cela ne fut jamais confirmé
officiellement, tous les rapports de l’époque imputèrent l’accident à un geste
de malveillance des travailleurs indochinois. En 1931, un colon, Chevalier, fut
tué par ses ouvriers sur une plantation de Santo : on fit alors venir la
guillotine de Nouméa pour exécuter publiquement six des responsables. Ce
jour-là, comme l’écrivit un témoin de l’époque, l’ensemble de la communauté
vietnamienne porta ostensiblement le deuil.
L'ancienne
Milice française de Port Vila Nouvelles-Hebrides à côté de l'hôpital
français. Eut lieu l'éxécution capitale des 6 condamnés tonkinois liés à
l'affaire de Malo Pass de Santo.
L’affaire Malo Pass, 1929
Récit de Me LG FROUIN
Pour
obtenir de meilleurs rendements, le nouveau gérant de la plantation de Malo
Pass sur l’île de Malo, employé dès juin 1929 par la Compagnie Agricole et
Minière des Nouvelles-Hébrides, utilise régulièrement les coups de poings, les
coups de pied, le nerf de bœuf sur les engagés tonkinois et néo-hébridais, sans
compter les retenues sur salaires effectuées lorsque les rendements ne sont pas
atteints. Les travailleurs désobéissants et paresseux sont quant à eux placés
dans une fosse recouverte de tôles et de madriers. Des évasions se succèdent.
D’ailleurs, une sorte de dicton dit approximativement : « Qui a été
emprisonné aura à s’échapper. » Un Tonkinois évadé, ravitaillé par ses
compatriotes de la plantation, est allé vivre dans la brousse.
Face
à cette violence, quatre Tonkinois arrivés aux Nouvelles-Hébrides sous de faux
noms, considérés comme des meneurs, préméditent le meurtre du nouveau gérant
avec de nombreux complices. Profitant d’un moment où ce dernier se trouvait
seul sur la plantation, ils le guident vers la cuisine du cantonnement,
prétextant la venue d’un évadé. L’un des Tonkinois le frappe avec deux coups de
hache derrière la tête. Les autres plantent leurs sabres d’abattis dans le
corps étendu, mort. L’enquête prouve la présence d’un complot et d’un pacte
réunissant une vingtaine d’engagés autour de deux bouteilles de vermouth. Au
procès se tenant à Port-Vila, le verdict condamne à mort quatre Tonkinois,
trois autres aux travaux forcés à perpétuité, sept aux travaux forcés et six
sont acquittés. Par mesure de sécurité, les condamnés sont envoyés en Nouvelle-Calédonie
dans l’attente d’un pourvoi en cassation et d’un recours en grâce. Le
27 août 1931, les quatre condamnés à mort sont guillotinés sur la place de
la Milice française à Port-Vila. Pour l’occasion, la guillotine est transportée
de Nouméa vers Port-Vila par le Lapérouse avec les condamnés.
Encore
aujourd’hui, pour les descendants de Chân đăng, les « rebelles martyrs de
l’affaire Malo Pass » gardent en eux une charge mémorielle, honorée par un
monument aux morts commémoratif sur l’île d’Efate. Ils symbolisent à la fois
les victimes de la domination coloniale et la lutte contre cette dernière. Bien
d’autres délits et meurtres peuvent être évoqués, comme en 1943 sur une
plantation d’Epi, après l’assassinat du gérant, suite aux violences subies
après une évasion. (Extrait du journal "Le Néo Hebridais")
LA GREVE DE 1945 à Santo
Aux
Nouvelles-Hébrides, le 8 mai 1945, les Tonkinois refusent de travailler sur les
trois plantations de Santo, Aoré et Malo. Une escouade de miliciens, avec des
hommes alignés en position de combat, ordonne le rassemblement des coolies. Le
délégué crie au Tonkinois : « C’est une rébellion ? » Après
la traduction de l’interprète, le plus avancé des 5 hommes du premier rang
commence : « Monsieur le grand mandarin… » et le délégué demande
de faire feu : Mai Viet Tuc et Nguyen Van Trang s’effondrent. Trois
grévistes, dont une femme, sont blessés et les autres s’éparpillent. La
délégation composée du chancelier de la Résidence de France, du chef du service
de l’immigration du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et de l’interprète
N’Guyen Duc Than, arrivé le lendemain, se cloître craignant une réaction des
Tonkinois. Leur doyen demande d’enterrer les morts avant de reprendre les
négociations. Après enquête, la violence physique « coutumière » des contremaîtres
et du patron est désignée comme étant à l’origine de cette grève. Une demande
de retrait de main d’œuvre se solde par une réponse du Haut-Commissaire,
d’août 1945, stipulant de ne mettre en œuvre « aucune poursuite
judiciaire relative à l’incident de Santo » et de retarder tout retrait de
main d’œuvre jusqu’à la prise de décision sur le régime du travail. Les discussions sur la mise en résidence
des engagés asiatiques ont permis aux trois employeurs concernés d’échapper
temporairement à la perte de leur main d’œuvre. (Extrait du Rapport de l'Inspecteur dé Colonies)
1943-1946. Le débarquement des troupes US a complètement changé la vie sociale et économique Nouvelles-Hébrides.
PATRIMOINE CULTUREL
des anciens travailleurs engagés vietnamiens aux Nouvelles-Hebrides/Vanuatu.
1944.
Constructions des portiques de l'ancienne église vietnamienne de Mele
et du cimetière de la communauté catholique vietnamienne à Port Vila.
1948-1954.
L'ancienne église vietnamienne à Port Vila a été reconstruite par la
Communaute catholique vietnamienne. 2004. Un memorial a été érigé en
mémoire des adeptes et bénévoles.
1945.
L'autel des cultes au cimetière des vietnamiens à Port Vila a été
construit grâce aux dons des bénévoles: Madame Nguyên thi But (épouse de
Mr LOPO commerçant chinois à Port Vila), l'Amicale et l'Union des
travailleurs vietnamiens ainsi que les bénévoles des sections
représentatives des provinces de Nam dinh, Hai duong, Ninh Binh, Hung
Yen, Kien an, Thai binh, Ha nam etc...
REVENDICATION DES DROITS DE L'HOMME
De
gauche à droite sur la photo, on reconnait: MM Trân Tich - Dang Long
Huong (President de l'Amicale VN) - Trinh Thông - Hoang Xuan Khat (le
sage tenant le drapeau) - Dong Sy Hua (Leader du Syndicat VN) - Nguyên
Dac Cat (Tresorier) - Bui Gia Dzu (Enseignant) - Bui Huu Gia et Vu Van
Mao.
Le 30 juin
1946, 3 drapeaux sont érigés rue Higginson à Port-Vila ; au centre celui
de la République du Vietnam à droite le drapeau français et l’Union Jack à
gauche. Les revendications de ces grèves
commencent avec les salaires, les rapatriements et les questions alimentaires
1915-2005.
Le vénérable ĐÔNG Sỹ Hứa. Ancien fonctionnaire-interprète de la Résidence de France
à Port Vila de 1938 à 1945. Il a démissionné de son poste et devenu
leader du
Syndycat Vietnamien à Tagabe. Considéré comme meneur de troubles, il a
été expulsé du territoire par les autorités locales en 1947.
Masta
Dong Sy Hua hem i wan wokman blo franis gavman long 1938 kasem
1945. Afta hemi risaen moa lidim Vietnamiz Union woka long Tagabe kamp.
Lokol gavman oli sakem hem i ko bak long Viet nam long 1947.
1956. L'Association Lien Viet de la Communauté vietnamienne à Port Vila Nouvelles Hebrides.
1946. Le Syndicat des travailleurs vietnamiens au campement de Tagabe - Vate Nouvelles-Hébrides.
1946.
Pour préserver la culture du Viet Nam, une formation de la 1ere Ecole
enseignant le vietnamien à Port Vila Nouvelles-Hébrides dirigée par MM
TRINH Van Thuât, BUI Gia Dzu et NGUYEN HUU Dang
1946. Fes skul lanem vietnamiz lanus we Masta TRINH Thuất, BUI Gia Dzu mo NGUYEN Huu Dang i titsim.
1952. La Mission Catholique vietnamienne à Port Vila.
1952-1958. Beaucoup de jeunes vietnamiens ont fréquentés l'éecole publique française et Sainte Jeanne d'Arc à Port Vila.
1956. Ecole vietnamienne à Tagabe. Ensignants: MM DANG viet Thê, NGUYEN Van Dai (Jean van Jean) et DUONG Van Dam.
1948. 1ere formation du Scoutisme vietnamien à Por-Vila Nouvelles-Hébrides.
1950. 1ere équipe de football des vétérans quadragénaire (40 ans) des travailleurs engagés vietnamiens à Port Vila N.H.
1960. Sélection de l'équipe de football des vietnamiens à l'âge cinquantenaire (50 ans) de Tagabe Efate Nouvelles Hébrides.
1962.
L'Union Sportive Vietnamienne (USV) des jeunes footballeurs de 2eme
génération, descendants des travailleurs engagés vietnamiens à Port
Vila Nouvelles-Hebrides.
1962.
Football. Team blo yangfala vietnamis pipol USV (Union Sportive
Vietnamienne). Oli plei wetem SUMAT - Team blo Maxime Carlot Korman.
1960. Formation du groupement theatral de la Jeunesse vietnamienne de Tagabe - Vate - Nouvelles-Hebrides.
1960.
Station des Taxis vietnamiens devant la Maison culturelle du
Condominium à Port Vila Nouvelles Hébrides. Les Land Rover 4x4 en
premier lieu. Les Simca, Peugeot, Renault. En arrière-plan, les magasins
Lo Lam, Fung Kwan Chee etc...
Ples
blo Taxi blo ol vietnamis we i stap long foret long Kalja senta blo
Kondominium bifo long Port Vila. Taem ia i kat fulap ol Land Rover 4x4.
1962. Groupement des danseurs de la Licorne à Tagabe
28
Juillet 1963. Dernier ADIEU à Port Vila. Le grand rapatriement des
vietnamiens de Port Vila et de Santo sur le paquebot Eastern Queen pour
Hai phong.
Last farewell blo ol vietnamis oli ko bak long home blo olgeta long Viet nam wetem s/s Eastern Queen.
Sincèrement,
l’auteur du Blog avait l’intention de dédier
ce bref reportage en mémoire des anciens travailleurs vietnamiens aux
Nouvelles-Hébrides en général et de ses parents en particulier. Et aussi de
citer quelques lieux mémorables comme les plantations Belloc à Tukutuku, Le
Stade mubicipal, la Milice française, Melcoffee etc… Et aussi les noms de
certains employeurs comme la famille Belloc, famille François ROSSI, famille
Coustard de NERBONNE, la famille LG FROUIN
etc… dont nous garderons toujours de bons souvenirs.
L’auteur
de ce récit tient particulièrement à remercier Mme Virginia LEE (Bà Tưởng),
Monsieur PETIT Fred, Monsieur Feu Georges TRINH Quang Khanh de leur précieuse documentation
et certaines inestimables photos.
Nous
venons de parcourir le bref reportage de souvenir sur la longue
histoire de la diaspora des travailleurs vietnamiens aux
Nouvelles-Hebrides. L'auteur du BLOG vous salue amicalement et tient à
exprimer à toutes et à tous de ses sincères remeciements et de ses
amitiés.